Voici la seconde partie d’une interview que j’ai eu le plaisir de faire pour le site internet : Tutofig. Des questions très intéressantes, sur des sujets variés, ce fut un vrai plaisir d’y répondre.
De par la longueur de l’interview, nous avons décidé de la scinder en deux partie. Bonne lecture !
(Vous pouvez d’ailleurs retrouver l’interview sur le site de Tutofig : ici.)
(La première partie est consultable ici.)
5 – Les moyens de communications :
- Que penses-tu des forums sur la figurine ? Est-ce un lieu d’échange ? de critiques ? Est-ce toujours constructif ?
Je dirais que les forums sont désormais quelque chose que l’on prend pour acquis. Lorsque j’ai commencé à vouloir progresser vers 2003/2004, rien de tout cela n’existait. C’était encore l’époque de la mailing list de Figurines_fr. Pour être membre de plusieurs forums (que ce soit de figurines ou autres) et avoir été modérateur, je dirais que les forums sont essentiels à notre passion.
Ce sont des lieux d’échanges, qui permettent d’organiser des rencontres sur les salons, de se faire de bons copains etc… Dans un secteur de niche, surtout lorsqu’on ne connaît personne dans le milieu, et que l’on cherche à s’intégrer, ils sont devenus incontournables. Ils permettent bien évidemment de montrer son travail, de recevoir des critiques (souvent plus ou moins pertinentes), de commenter celui des autres, et de trouver des inspirations. Ils sont logiquement une source de progression.
Concernant les critiques, tout est affaire de sensibilité et de pertinence. À l’époque de Créafigs beaucoup ont reproché l’élitisme du forum. De nombreux pontes du milieu y montraient leurs travaux, et lorsqu’ils commentaient celui des nouveaux, c’était bien souvent avec leur propre niveau d’exigence. Cela a fait fuir les moins aguerris et les plus susceptibles.
En France, Minicréateurs a prit le relai à la disparition de Créafigs. Sur celui-ci, la majorité des « grands » est absente, pour ne pas dire la totalité. La vie courante, le fait de ne plus vouloir participer à un forum ou le ras-le-bol général suite à diverses histoires, en ont donc fait un forum bien plus ouvert, et beaucoup moins élitiste dans les faits. Bien qu’il s’agisse toujours d’un forum destiné aux peintres chevronnés plutôt qu’aux joueurs. Ici, les critiques que j’ai entendues à droite ou à gauche sont plutôt à l’inverse de Créafigs. Se résumant par « c’est un forum de bisounours ». Pour y être présent aussi il est vrai qu’on y lit souvent des critiques timides, souvent assorties d’un commentaire gentil pour faire passer la pillule.
Deux poids, deux mesures. Je ne sais pas ce qui est le mieux, d’autant plus que chacun a sa sensibilité. Je pense qu’au final il est toujours primordial de disposer de tels lieux d’échanges, et qu’il est facile de cracher dans la soupe. Car que l’on soit fan ou détracteur, lorsqu’un forum tombe en panne, bizarrement, ceux qui se plaignent font souvent parti de la masse regrettant de ne plus pouvoir y accéder.
- On trouve des milliers de conseils sur le web, des tutos, des reviews. Que penses-tu des initiatives comme le Grand Livre, des hors-série Ravage, de Coolminiornot ou encore de Tutofig ?
Ces initiatives ont toutes pour but de partager le savoir. Et c’est une chose primordiale dans ce milieu. Les hors-série Ravage furent les premiers, en France, à ouvrir le bal des « recueils » concernant notre microcosme. Je le sais pour avoir été le réalisateur des deux opus de la société. Bien que petits dans le format (84 pages que ce soit pour les tomes sculpture ou peinture) je pense qu’ils se sont voulus les plus complets possibles malgré la taille allouée. Derrière, le Grand Livre a permit de fournir quelque chose de bien plus complet et ordonné, quitte à avoir certaines redites. Chacun est un ouvrage de référence, quelque soit le niveau.
Coolminiornot c’est autre chose. Le forum est déjà anglo-saxon, et les critiques n’y sont pas légion. Il s’agit surtout d’un grand espace de vente et d’une large galerie. Le système de notation entrainant jalousie et rancœur. En ce qui concerne la partie tutoriels de CMON, elle a surtout fait polémique. Le détenteur du site s’étant permis de faire un ouvrage numérique en reprenant les tutoriels postés sur son site, sans demander l’accord des auteurs, et en le vendant derrière. Le dit ouvrage numérique étant toujours disponible, bien que la polémique ait déjà quelques années au compteur.
Tutofig est la seule partie de ce que je viens de citer qui n’a pour le moment aucune intention commerciale dans le lot. Alors certes, les HS Ravage comme le GL, ont avant tout eu pour objet le partage du savoir. Mais de par leurs coûts de productions, il fallait passer à la caisse et les acheter. Tutofig est un portail web, classifiant une énorme majorité des tutoriels disponibles sur l’Internet, et proposant des liens renvoyant vers les sites des auteurs. Il ne copie pas l’œuvre originale. C’est une sorte de méga base de donnée. L’initiative est d’autant plus généreuse qu’elle demande beaucoup de travail. Je suis heureux d’y voir certains de mes tutoriels y figurer par ailleurs.
J’espère que les nombreux tutoriels que j’ai pu écrire pour Ravage, ou que la visite de mon site, permettent de démontrer que j’aime partager l’expérience acquise au fil des années. Je pense qu’il est essentiel de rendre à la communauté ce qu’elle ma donné, lorsque je cherchais à progresser. D’autant plus qu’on ne cesse jamais de vouloir progresser et que l’on a toujours quelque chose à apprendre.
Cependant, je regrette que le tri, et l’assimilation des tutoriels disponibles sur la toile ne soit pas plus réfléchie. Un tutoriel c’est bien. Réussir à réaliser la même technique est bien aussi. Mais savoir se l’approprier afin d’en faire quelque chose collant à ses propres idées ou besoin, est quelque chose qui manque à mon sens. D’où ce souci d’uniformisation générale. Il y a tellement de tutoriels sur le net, que peu cherche à se casser la tête. Pourquoi faire la cuisine quand on peut acheter un plat tout prêt au supermarché finalement. C’est le même problème.
6- Les figostages
- Pas mal de peintres et sculpteurs proposent des stages de perfectionnement, d’un week end ou plus. Est-ce que tu aimes en faire ? Qu’elle est ta vision de ces stages ?
Il est agréable de réaliser des figostages, car il s’agit d’une expérience enrichissante. Autant pour l’élève que pour le professeur. Je n’en ai pas animé beaucoup, on doit péniblement se rapprocher de la dizaine. Mais cela ne m’a pas empêché d’apprécier chacun d’eux, de par l’aspect pédagogique à mettre en œuvre.
En faire d’autre ne me dérangerai pas du tout, le seul souci vient plus de l’organisation : trouver la date et le lieu. En ce qui concerne ma vision d’un stage, je dirais qu’il faut pouvoir donner le plus d’informations possibles en un minimum de temps. Et ce n’est pas le plus aisé. D’autant que chaque élève à son rythme. Il faut souvent faire du cas par cas, ce qui ne facilite pas la tâche. À force, on commence cependant à connaître quels sont les points importants à développer et quels sont ceux que l’on peut garder en bonus, si le temps le permet.
Bien tenir son pinceau, savoir l’entretenir et en acheter un de qualité, préparer sa figurine, gérer sa dilution, sont des points primordiaux. Vient ensuite le fondu puis derrière tout s’enchaine. Peau, théorie des couleurs, des valeurs, de la lumière, métaux, tissus, contrastes, sang et effets divers, réalisation des socles, travail de composition, peinture d’un visage, différences d’approches selon les échelles etc… Il ya énormément de choses à traiter.
Globalement, il faut distribuer beaucoup de savoir théorique, et autant de pratique. Il faut laisser faire aux élèves des erreurs, pour qu’ils en prennent mieux conscience, et les corriger derrière. J’aime quand les participants viennent avec quelques unes de leurs pièces. Cela permet de situer leur niveau et de mieux les guider.
Une chose importante aussi, je force les élèves à me poser des questions, même s’il faut parfois les pousser à bout. Aucune question n’est idiote, et il est dommage de repartir du stage en ayant une idée ou une question qui trotte dans la tête sans avoir eu de réponse ou avoir pu en discuter.
- Est-ce vraiment altruiste, pour partager son savoir, ou plus un moyen de gagner de l’argent ?
On ne gagne pas vraiment d’argent à faire des stages. De mon côté j’ai dû gagner sur chacun entre 100 et 200 euros, rarement plus de 300. À cela il faut déduire la nourriture et certains autres frais. Donc la note descend vite. Quand tu ne payes pas certaines choses dans le stage, comme la salle ou les figurines, là tu peux gagner plus. Mais c’est assez rare d’avoir ces deux points réunis. Je n’ai en tout cas jamais eu le second. Or, quand tu dois prendre 18 figurines à 10 ou 15 euros, que tu ajoutes les défraiements, la salle, les pinceaux et la nourriture, si tu fais un ticket à 60 ou 70 euros il ne reste souvent pas énormément pour le cachet des profs (j’anime presque toujours mes stages avec un autre professeur, cela permet de prendre plus de monde et de suivre chacun de plus près, en plus de traiter vraiment à fond les sujets).
Bref, ce n’est pas avec ça qu’on va gagner sa vie. Après, il est évident que repartir avec 200 euros dans la poche ça fait du bien, on ne le fait pas pour la gloire non plus. Mais pouvoir diffuser ses connaissances et les passer aux autres en passant de supers moments, avoir des discussions de fonds avec des personnes de tout bords et de différentes sensibilités, ou parler de tout et de rien le soir autour d’une bière ou d’un resto, c’est vraiment l’aspect que je préfère des stages. Parfois on se fait même de très bons potes parmi les « élèves ».
- Que peuvent attendre les élèves de toi lors d’un stage ? Qu’attends-tu d’eux en retour ?
Que je leur donne mon âme ! Que dire ? Ils ont payé pour que je me déplace, ils sont donc en droit d’attendre beaucoup. Je n’aimerai pas repartir d’un stage en me disant que je n’en ai pas assez fait pour eux. Pour le moment ce n’est jamais arrivé. Comme dit, je pousse souvent à la formulation de questions. Un stage se doit d’être vivant et participatif. Ce que l’un se demande pourra servir à l’autre.
Or, quand on ajoute les questions des élèves à toute la théorie et la pratique que l’on donne pendant le stage, c’est vraiment des mois de pratique ou de réflexions gagnés pour eux. Il faut se dire que le savoir que l’on dispense sur deux jours, c’est parfois cinq à dix années de pratique intensive derrière.
Avoir un tutoriel écrit sous les yeux c’est instructif. Mais le fait de voir en amont une personne faire la technique sous tes yeux c’est totalement autre chose. Tu vois la gestuelle, la dilution, la manière de poser le pinceau, « le toucher » du peintre en gros. Il est plus simple de la mettre en pratique derrière, surtout cinq minutes après. C’est d’ailleurs souvent comme ça que je procède. Je peins une partie en amont, les élèves autour de moi, et derrière à eux de faire pareil. On passe ensuite voir chacun individuellement, en corrigeant ou pas la partie en question.
Concernant ce que je peux attendre d’eux, c’est de la concentration et des nerfs en acier trempé. Mais je sais que ce n’est pas facile. Un stage, c’est souvent deux jours de peinture, de dix heures de travail chacun. Avec une petite pose d’une heure entre deux sessions de cinq heures. Donc vingt heures sur deux jours c’est lourd. Surtout quand tu adjoins la fatigue, le manque de sommeil, la patience qui flanche, et deux profs qui te martèlent de connaissances non stop. C’est d’ailleurs pour cette raison que leur conseille de venir avec un carnet pour prendre des notes. C’est très important. Après, s’ils veulent venir avec la bonne humeur, un bon sens de l’humour et un stock de blagues, que demande le peuple !
7 – Commission de peinture
- Restons dans l’aspect financier du monde de la peinture. Beaucoup de peintres amateurs tentent de gagner leur vie en peignant des armées pour les joueurs. Le fais-tu ?
Non pas du tout. Déjà que je prends peu de commissions, celles que j’accepte se concentrent sur du niveau type concours. Et dans tous les cas, jamais d’escouade. Je n’accepte que des figurines individuelles, ou des monstres. Pas de soucis pour l’échelle en revanche.
- Penses-tu que c’est possible d’en faire son métier ? Des groupes de peintres (notamment en Asie) montent de réelles petites sociétés, font des prix cassés et peignent à la chaine. Est-ce la fin des peintres freelance français qui peignent dans leur coin ?
Il est possible d’en faire son métier, plus facilement dans certains pays que d’autres. Par exemple quand tu vends une figurine sur Ebay à 100 ou 200 euros en France, surtout en le déclarant, il ne te reste pas grand chose. Ça ne va pas te payer ton loyer. Alors qu’en Pologne ou en Russie par exemple, ça peut être le cas. T’en vends trois ou quatre comme ça dans le mois et tu as même un petit pécule. C’est loin d’être infaisable.
Pour moi, en France, on ne peut pas vivre de la peinture de figurine de manière confortable. Je ne connais que quelques peintres qui arrivent à en « survivre » et ils se comptent sur les doigts de la main. Alors que, ces « élus » brassent un beau volume et surtout un volume de très haute qualité, pour de la peinture de jeu. Il suffit de regarder le travail de Christophe Bauer. Certaines de ses réalisations pour du jeu pourraient très bien prendre une statuette à un Golden Demon avec quelques niveaux de finitions de plus. Et pourtant, en étant celui qui s’en sort sans doute le mieux dans cette niche, il m’a lui-même déclaré : « c’est un métier de passionné, il ne faut pas espérer vivre dans le grand luxe ». La messe est dite.
Le mieux est de conjuguer cette activité avec un mi-temps et des figostages récurrents par exemple. Être peintre freelance seul ne suffit pas à faire vivre son homme. Et cela n’a jamais été le cas de toute manière. Je ne pense pas que la concurrence asiatique dont tu me parles soit dommageable. Tout simplement parce qu’elle ne vise pas la même clientèle. Ceux qui contactent des freelances de renoms veulent de la qualité, et aussi de la proximité.
Avec tous les pièces que tu as peintes, tu dois en avoir plein la vitrine, en vends tu sur Ebay ?
Non, je ne vends jamais de figurines sur Ebay dans ce que j’ai peins pour moi. Je ne l’ai fait qu’une fois, et la figurine avait été réalisée spécialement dans cette optique. Çà date de 2007, c’est dire si ça fait quelques années ! Hormis celle-là, les seules figurines que j’ai vendues sont des pièces réalisées pour des Golden Demon (entre autres), et qui ont intéressé certains collectionneurs après coup. J’ai aussi fait quelques commissions spécifiques, mais je n’en accepte pas beaucoup.
8 – Ton Avenir ?
- Penses-tu avoir fait le tour du monde de la figurine ? Des techniques ? Des gens ?
Je ne pense pas que quiconque pourra se targuer un jour d’en avoir fait le tour. Le secteur évolue constamment, que ce soit dans les technologies ou dans la mort/création d’entreprises. Concernant les techniques, il y a toujours quelque chose à apprendre ou un secteur inexploré. Par exemple je n’ai jamais peins de char à haut niveau. Il faudra que je m’y attèle. Et je sais que ce sera une toute autre manière de peindre. Après il y a la sculpture, le moulage etc… On a toujours une voie à explorer.
Pour les gens, j’espère encore faire de nombreuses rencontres, et me faire de nouveaux potes au fur et à mesure des années. Les salons sont faits pour s’amuser et passer du bon temps, alors il y a peu de chances pour que ça n’arrive pas.
- As-tu envie de te tourner vers d’autres supports ? Peinture sur toile, crayon…?
Je dois avouer que non. Je ne suis pas à l’aise avec un crayon dans la main. L’idée m’a déjà travers l’esprit mais on verra dans quelques années. En revanche, mettre des dessins en couleur m’intéresse. J’ai eu l’occasion de le faire pour le logo de mon site – dessin réalisé par mon beau-père – et j’avais dû faire la colorisation. Cela m’avait beaucoup plu de mettre en pratique les techniques de peinture de figurines, sur un dessin.
- Tu as déjà eu l’idée de tout plaquer ? Et partir en Afrique à vélo ? (Va savoir pourquoi je prends cet exemple)
Oui, cela m’est déjà arrivé, mais pas en rapport avec la figurine. Je suis assez pessimiste en ce qui concerne la nature humaine, et étant plus jeune j’ai parfois rêvé de prendre mon baluchon et de partir vivre en ermite quelque part sur la Terre ! Mais ça, c’est une toute autre histoire !
Le mot de la fin (Par François Lozach/Tutofig)
Au final, en discutant avec toi, et après t’avoir rencontré, on découvre un peintre qui ne se prend pas au sérieux, mais avec un réel talent figurinistique et… comique ;) !
Pas de langue de bois, dans la vie comme sur les forums, et une bonne humeur communicative. Mais c’est avant tout ta disponibilité et ta gentillesse qui est agréable, toujours prêt à discuter avec les autres peintres, quel que soit leur niveau.
Qui a dit que les peintres renommés sont élitiste ! MERCI !